Ivoires chinois de l’époque Ming

Ivoires chinois de l’époque Ming

En Chine, les objets d’art en ivoire d’éléphant commencent à prendre de l’importance à partir de l’époque Ming (1368-1644). On y trouve des représentations de divinités domestiques inspirées des Huit Immortels Taoïstes, du confucianisme et du bouddhisme, notamment des dieux de richesse, du bonheur, de la littérature ou bien Guanyin, le boddhisattva de la miséricorde. Cette dernière représentation fut longtemps considérée comme une interprétation de la Vierge à l’enfant, introduite en Chine par les missionnaires espagnols et portugais au XVIe siècle. Les chinois ont probablement adapté la Vierge à l’enfant à leur image de Guanyin. Des rapports de commerçants de l’époque indiquent qu’à partir des années 1580, les chinois confectionnèrent une grande quantité de copies d’images religieuses en ivoire pour les espagnols, dont des Vierges, à partir de figurines importées directement depuis l’Europe. Conscients du succès, ces sculptures furent rapidement adaptées aux divinités chinoises pour leur propre marché.


Guanyin avec enfant
XVIIe siècle

Guanyin XVIIe siècle
pour le marché espagnol

Guanyin XVIIe siècle

Une autre curieuse adaptation de l’époque Ming fut la femme dite « médecin ». Il s’agit de petites statuettes de femmes allongées que l’on trouve uniquement en ivoire, corne de cerf ou dent de morse, elles sont toujours de petite taille (env. 10 à 15 cm de long), et pratiquement toujours nues ou vêtues de chemises légères, leur poitrine est quasi inexistante, les cuisses doivent être entrouvertes et laisser apparaître les organes. Les doigts des mains doivent être fins et longs, et surtout, celles du XVIe/XVIIe siècle, ne portent pas de chaussons, et ne laissent pas apparaître les pieds. Les pieds bandés fut le symbole érotique par excellence pour les chinois – il était donc important que les pieds ne soient ni trop grands ni chaussés. C’est plutôt vers la fin du XVIIe/début XVIIIe siècle qu’apparaissent les statuettes avec pieds chaussés.
La position de ces femmes a été copiée sur des statuettes chrétiennes de Jésus enfant allongé. Aux yeux des chinois, ces figurines – aussi saintes soient elles pour les chrétiens – ne représentaient uniquement un enfant robuste aux cheveux bouclés. Ils en ont gardé la position, mais ont changé le sexe et l’ont adapté à leur goût.

Femme médecin XVIIe/XVIIIe)

Mais à quoi servaient-elles, ces charmantes statues au visage ovale avec une expression douce et un léger sourire ? Les avis sont partagés : on dit qu’elles servaient aux femmes malades de désigner sur la figurine l’endroit où elles souffraient, pour que le médecin n’ait aucun contact physique avec la malade. On dit qu’elle fut allongée derrière un rideau, désignant avec sa main sur la figurine l’endroit douloureux, ensuite le médecin lui prit le pouls (dans la médecine traditionnel le chinoise, le pouls est révélateur de tous les maux du corps) et enfin lui administre le traitement adapté.
Cette théorie est peu probable, car aucun texte sur la médecine traditionnelle ne parle de ce genre de pratique.
Ce serait plutôt des objets érotiques, facilement transportables dans la poche, que les hommes aimaient regarder. Ce serait même les marchants de l’époque qui auraient lancé la rumeur sur l’usage de la femme « médecin » afin de pouvoir vendre ces objets légèrement pornographiques aux curieux et pudiques clients.
Ces pièces sont aujourd’hui assez rares sur le marché. Elles ont souvent mal vieilli ou alors ce sont des copies grossières du XIXe ou du XXe siècle.

 

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