
Vente Tessier-Sarrou du 11 juin 2025, lot 119. Dim. 43,4 x 37,2 cm
Cet autel portatif en bronze et cuivre doré, présenté à la vente Tessier-Sarrou du 11 juin 2025, représente le stupa de Swayambhunath, site emblématique de Katmandou et symbole majeur de la foi bouddhique. Réalisé en bronze et cuivre doré, décoré d’incrustations de rubis et calcédoine, d’émail, de ciselure et de filigrane, il représentant le sanctuaire sous un aspect reconnaissable grâce à sa localisation au sommet d’une colline coupée d’un escalier pentu, entre deux templions à shikara et à la présence de singes. Gardé par deux moines, le stupa au haut parasol fait face à un vajra monumental et est honoré par deux vidyadharas. Tout autour se déploie une végétation de rinceaux luxuriants incrustés de cabochons et d’émail vert. Le fond est ciselé de nuées. Au revers est ciselé une représentation de Mahakala Panjarnata (protecteur de la tente) surmontant la marque Qianlong en zhuanshu.
Le stupa, surnommé le « Monkey Temple », en raison de l’occupation du site par une dense population de singes depuis aussi loin que remonte les mémoires, se dresse au sommet d’une colline, accessible par un escalier pentu. Il est entouré de deux templions à shikara (toitures en pain de sucre), autant de repères qui permettent ici son identification aisée. Avec celui de Bodnath, également à Katmandou, il constitue un des lieux de pèlerinage majeurs du monde bouddhisé.

Ces deux sites, fondés selon les légendes par l’empereur Ashoka au IIIe siècle av. J.-C. ou par des rois Licchavi au Ve siècle de notre ère (1), ont fait l’objet d’une attention toute particulière de la part du monde bouddhiste, connaissant des campagnes de restaurations régulières mécénées ou dirigées par des souverains ou des autorités religieuses de différents pays bouddhisés. Le stupa de Swayambhu connut ainsi XVIIIe siècle plusieurs campagnes de restauration pour remettre le site en état et renouveler sa consécration. Parmi les figures notables, on note le Madman Tsang Nyön Heruka (1452-1507), ou encore Rigdzin Tsewang Norbu (1698–1755), un lama de la tradition Nyingma originaire de l’U-Tsang au Tibet, qui a joué un rôle clé dans ces rénovations (2), menant ces campagnes sous l’injonction de visions divines. Bien que les empereurs Qing aient été plus proches de la tradition Gelugpa, leur assurant un pouvoir politique au Tibet, ces campagnes de restaurations successives et menées à grand bruit ont pu réveiller un intérêt nouveau de l’empereur Qianlong pour ce site majeur du Népal.

Cet autel portant la marque Qianlong en est un témoignage. Si la production de stupas miniatures, petits objets de dévotion, néanmoins d’un luxe éblouissant, est assez fréquente pendant le règne de Qianlong (3), il ne semble pas qu’une autre représentation de stupa de Swayambhunath soit connue.

L’objet est ainsi composé d’un savant mélange. Il rappelle à la fois ces stupas miniatures chinois et la production typiquement néware de mandalas votifs de bronze en trois dimensions. Le stupa faisant référence à l’architecture néware prend ici une forme tibétaine, la silhouette de son dôme (anda), ayant été modifiér pour être moins sphérique et plus ovoïde, forme typique des chörten tibétains. Les techniques, or filigrané et émail, sont enfin typiquement chinoises. Cet autel sino-tibétain est le témoin d’une époque où les échanges culturels et spirituels entre la Chine et le monde himalayen, c œur du monde bouddhiste au XVIIIe ont donné naissance à des œuvres d’une grande richesse symbolique et esthétique.

(1) Gopāla Rāja Vaṃśāvalī,
(2) Ehrhard, Franz-Karl. « A Renovation of Svayaṃbhūnāth-Stupa in the 18th Century and its History (according to Tibetan sources). » In Ancient Nepal – Journal of the Department of Archaeology, Number 114, October–November 1989, 1-8.
(3) The Complete Collection of Treasures of the Palace Museum. Treasure of Imperial Court, Beijing, 2004, N°171 à 178, pp. 188 – 199