
Lin Fengmian (1900-1991):
Série de l’Opéra: Le Pavillon des Pivoines.
Huile sur toile. Signé en bas à gauche. Dim. à vue: 51,5 x 43,5 cm.
Encadrée sous verre.
Vente Tessier-Sarrou, le 15 juin 2015, lot n°28
Adjugé 300.000 Euros
Né en 1900 à Meixian, dans la province du Guangdong, au sein d’une famille de tailleurs de pierre, Lin Fengmian manifeste très tôt une inclination pour l’art, tenant son premier pinceau dès l’âge de cinq ans. Sa précocité le conduit, à quinze ans, à intégrer l’école provinciale de Meizhou, où il reçoit une formation académique qui prépare son destin singulier.
Figure pionnière de la modernité chinoise, Lin compte parmi les premiers artistes envoyés en France pour parfaire leur formation. Entre 1918 et 1925, il étudie à Dijon puis à Paris, à l’École nationale supérieure des beaux-arts, où il découvre les grands maîtres européens — Cézanne, Matisse, Renoir — et s’imprègne des avant-gardes. Cette expérience marquera durablement son style, qu’il définit comme un dialogue fécond entre la tradition picturale chinoise et les recherches formelles occidentales.
À son retour en Chine, Lin Fengmian devient une figure incontournable du paysage artistique et académique. Président de l’Académie nationale des arts de Pékin, puis directeur de l’Académie des arts de Hangzhou, il s’attache à moderniser l’enseignement artistique en y intégrant une ouverture internationale, tout en valorisant la singularité de la culture chinoise. Sa pédagogie, novatrice, influencera toute une génération de peintres, dont Wu Guanzhong.

Mare aux Lotus
Encre et couleurs sur papier.
Signé en bas à gauche, suivi du cachet de l’artiste. Dim.: 65,5 x 65,5 cm.
Encadrée sous verre.
Tessier-Sarrou, le 15 juin 2015, lot n°30
Adjugé 405.000 €
Mais son parcours fut loin d’être linéaire : pris dans les bouleversements du XXᵉ siècle chinois, il connaît la censure, les destructions d’œuvres et même la prison entre 1968 et 1972, durant la Révolution culturelle. Une partie majeure de son œuvre est anéantie, mais l’artiste, fidèle à ses idéaux, continue de créer. Son credo, énoncé à l’âge de 36 ans, restera son fil conducteur : aimer la nature, s’éloigner de l’argent et de la célébrité, observer avec attention, travailler avec diligence — être un vrai artiste.
Son langage pictural, caractérisé par une synthèse subtile de lavis chinois et de couleurs occidentales, se déploie dans des compositions où l’on retrouve tour à tour l’élégance des paysages de montagne, l’intensité des scènes de théâtre chinois, ou encore la délicatesse des figures féminines. Par cette esthétique hybride, il ouvre la voie à une modernité spécifiquement chinoise, sans renier ni ses racines ni les apports européens.En voulant être différent des autres peintres célèbres chinois du XXe siècle, comme QI Baishi, Xu Beihong, Huang Binhong, Lin Fengmian charcha à créer un style complètement différent de la peinture traditionnelle chinoise et de la peinture occidentale moderne. Il a cherché la fusion parfaite de ces deux genres des arts.

La Pêche aux Cormorans
Encre et couleurs sur papier. Signé en bas à gauche, suivi du cachet de l’artiste.
Dim. : 66 x 66 cm.
Vente Mercier, le 25 avril 2016, lot n° 334
Adjugé 400.000 Euros
La singularité de Lin Fengmian se révèle dès le format qu’il privilégie : le carré. Or, cette composition, presque absente de la tradition picturale chinoise, devient sous son pinceau un champ d’expérimentation. Il y introduit la perspective à point de fuite héritée de la peinture occidentale, renonce au principe ancestral de l’« harmonie entre calligraphie, peinture, poème et sceau » qui régissait l’art depuis le XIIIᵉ siècle, et réduit sa signature à un simple signe discret, placé dans un coin. Sur ses papiers de riz, il transpose le clair-obscur de l’huile, explorant une hybridation inédite des techniques.
Parmi la diversité de ses thèmes, l’opéra chinois occupe une place centrale. Paradoxalement, à 28 ans, lors d’une conférence marquante, Lin avait publiquement dénoncé l’opéra traditionnel, le qualifiant de divertissement inférieur qu’il faudrait abolir. Pourtant, deux décennies plus tard, on le retrouve assidu aux représentations des théâtres de Shanghai, toujours entouré d’élèves ou d’amis. Si la rareté des distractions sous le régime communiste explique en partie cette fréquentation, c’est surtout son génie créatif qui s’y déploie : Lin y découvre un terrain idéal pour fusionner l’art chinois et l’art occidental.
Carnet en main, il esquisse masques, costumes et accessoires, notant en anglais couleurs et caractères. Dans une lettre à son élève en 1951, il écrit : « Les opéras traditionnels ne se divisent pas en actes ; le temps et l’espace n’y font qu’un. Cela ressemble aux œuvres de Picasso, où les objets sont pliés et recollés sur une même surface. Je peins selon ce même principe : je plie et recolle histoires et personnages sur la toile, afin de restituer le mouvement successif. »

Lanterne de lotus
Encre et couleurs sur papier.
Signé en bas à gauche, suivi du cachet de l’artiste.
Dim. à vue: 65 x 64,5 cm.
Encadrée sous verre.
Vente Tessier-Sarrou, le 15 juin 2015, lot n°29
Adjugé 250.000 Euros
Dans sa représentation de la scène la plus célèbre du Pavillon aux pivoines, l’arrière-plan est volontairement dépouillé. Les costumes deviennent formes géométriques, les motifs complexes des étoffes sont réduits à des croix. Premier plan et profondeur se confondent. Les deux héroïnes, Du Liniang et sa servante Chun Xiang, apparaissent comme des papiers découpés, collés sur toile, témoignant de l’influence manifeste du collage cubiste dans une peinture pourtant profondément chinoise.
Par ce processus d’abstraction, Lin Fengmian sublime l’opéra : le spectateur n’assiste plus à une reconstitution littérale, mais perçoit voix, rythme, mouvement et émotion dans une intensité épurée. De la profusion scénique, l’artiste ne conserve que l’essentiel, transformé en une vision d’une grande puissance plastique. Comme le dit un proverbe chinois : « Ce n’est pas la main de Dieu, mais celle de l’artiste, qui change le fer en or. »
Hélas, sur plus de quatre-vingts années de création, Lin Fengmian ne consacre qu’une quinzaine d’années à la peinture à l’huile. Pire encore, contraint par les persécutions politiques, il détruit lui-même des milliers de ses toiles à la veille de la Révolution culturelle. Ses huiles sur toile, rarissimes et précieuses, constituent dès lors de véritables trésors. Les présenter aujourd’hui, c’est non seulement rendre hommage à un artiste visionnaire, mais aussi à la résilience d’un créateur qui fit dialoguer avec une liberté inouïe la tradition millénaire chinoise et les audaces de la modernité occidentale.

Paysage lacustre
Encre et couleurs sur papier.
Signé en bas à gauche, suivi du cachet de l’artiste. Dim. à vue: 65 x 64 cm.
Encadrée sous verre.
Vente Tessier-Sarrou, le 15 juin 2015, lot n°31
Adjudication : 180.000 €
©Cabinetportier 2015